mardi 13 janvier 2009

Quand manger tue


En Mars 2008,le tribunal correctionnel de Paris a débouté le comité des Salines de France qui poursuivait en diffamation Pierre Méneton. Ce dernier les avait accusés de minimiser les risques de l'excès de sel sur la santé. C'est une victoire rare, celle d'un lanceur d'alerte. Pierre Meneton, chercheur à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), était poursuivi par les producteurs de sel. Ils lui reprochaient de les avoir diffamés en les accusant de minimiser les risques de l'excès de sel sur la santé.

Les propos dénoncés par le Comité des salines de France (CSF), syndicat qui regroupe la majorité des producteurs français de sel, remontent à 2006. Pierre Meneton avait alors déclaré, dans une interview au mensuel TOC, que "le lobby des producteurs de sel et du secteur agroalimentaire était très puissant" et "désinformait les professionnels de la santé et les médias".

L'article, intitulé "Scandale alimentaire: sel, le vice caché", était accompagné d'une boîte de sel où figurait la mention "le sel tue", comparable à celle figurant sur les paquets de cigarettes. Le journaliste auteur de l'article, Pierre Cattan, et le directeur de la publication du mensuel, Arnaud Champremier, étaient également poursuivis. Affirmer que « le lobby des producteurs de sel et du secteur agroalimentaire était très puissant » et « désinformait les professionnels de la santé et les médias » quant aux risques de l'excès de sel sur la santé n'est pas diffamatoire. Ainsi en a décidé le tribunal correctionnel de Paris, dans une affaire opposant le Comité des salines de France (CSF) à un chercheur de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

La genèse de cette affaire est révélatrice quant aux moyens mis en œuvre par un regroupement professionnel afin de protéger son fond de commerce, quitte à faire fi de considérations sanitaires avérées. Quand le chercheur de l'Inserm, Pierre Meneton, a osé, dans un article publié en 2006 (« Scandale alimentaire : sel, le vice caché »), attirer l'attention sur les conséquences de l'excès de sel dans l'alimentation, le syndicat des producteurs français de sel a dégainé l'artillerie judiciaire. Et a donc perdu.

Ce n’est pas tant le sel dont on saupoudre les aliments qui est en cause, que le sel «caché» contenu dans les aliments tout préparés, fabriqués ou transformés par l’industrie agro-alimentaire.
Pourquoi tant de sel ? Parce qu’il est un excellent conservateur, un exhausteur de goût, qu’il améliore la saveur et l’aspect des aliments. Il est, de ce fait, omniprésent dans notre alimentation. Même là où, apparemment, il n’a rien à y faire: chocolat, biscuits, yaourts et desserts lactés, sodas… et petits pots pour bébés.

Selon une enquête mesurant les apports alimentaires de sodium, le pain, les biscottes, la charcuterie, les soupes, les fromages, les plats composés, les pizzas, quiches et pâtisseries salées, les viennoiseries, les condiments et sauces ainsi que la pâtisserie sont les dix principaux «vecteurs de sel» avec plus de 80% des apports quotidiens.
Les résultats montrent une consommation moyenne comprise entre 8 et 10 g par jour, ce qui correspond à peu près aux normes fixées par l’Organisation Mondiale de la Santé mais serait encore trop selon la revue médicale américaine New England Journal of Medicine qui recommande de ne pas dépasser 6 g par jour (une cuillérée à café).

L’Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments), ne se prononce pas, dans l’immédiat, pour une réduction généralisée de la consommation de sel, la preuve formelle que les apports élevés en sodium sont néfastes pour les individus bien portants n’ayant pas été faite.

Une forte consommation de sel peut être nocive pour les hypertendus, les obèses et les insuffisants cardiaques.
Faute de certitudes scientifiques sur la consommation optimale de sel, des campagnes publiques sur les méfaits du sel ne sont pas à l’ordre du jour. D’autres enjeux de santé publique comme le tabac, l’alcool ou l’obésité, sont beaucoup plus préoccupants.
Il reste qu’en France, sept millions de personnes souffrent d’hypertension artérielle (tension supérieure à 14/9) que la prise de médicaments ne suffit pas, à elle seule, à traiter.
L’excès de sel n’influe pas seulement sur la pression artérielle. Il aggraverait également l’ostéoporose, accroîtrait les risques de cancer de l’estomac et pourrait même toucher le système cardio-vasculaire.
Même si les certitudes manquent, l’intérêt général est de manger moins salé. La difficulté de mettre en pratique ce principe provient de ce que nous n’avons pas la connaissance exacte de la teneur en sel des produits alimentaires du commerce, l’étiquetage informant seulement sur la présence de sel, pas sur sa quantité.
Par conséquent, le bon sens commande de consommer moins de produits riches en sel, de donner la préférence aux produits frais, fabriqués à la maison et d’avoir la main légère pour saler les aliments.

Aucun commentaire: